Rencontre avec Jean-François Dubois, Maître affineur
Voyez le fromage comme un morceau de musique = le fromager est le compositeur là où l’affineur en est l’interprète.
En ces quelques mots, Jean-François Dubois résume son métier. Un métier de précision où chaque fausse note est interdite. Installé dans un ancien hangar à ballon à la Citadelle d’Arras, la Finarde vous fait saliver, voyager et attise votre curiosité grâce à la passion qui anime Jean-François Dubois, le maître des lieux.
Rencontre avec ce virtuose de l’affinage.
Comment vous est venue votre passion pour ce métier ?
J’ai démarré mon parcours de fromager dans la continuité de l’histoire familiale : une entreprise presque cinquantenaire depuis toujours dans les produits laitiers qui s’est spécialisée progressivement dans les fromages à partir des années 90. Quant à la « passion », c’est un état d’esprit : la chance, car c’est une chance de savoir se donner à fond dans ce qu’on fait et d’avoir l’ambition de le faire le mieux possible, quoiqu’il en coûte en terme d’énergie, de temps, d’investissement financier, etc. Il est vrai que le fromage est un domaine plutôt privilégié pour cela, concentré de diversité de terroirs, de traditions de savoir-faire, d’histoire et de cultures locales, possibilité presque infinie de variations gustatives, esthétiques, olfactives.
Vous affinez à la citadelle d’Arras. Pourquoi avoir choisi ce lieu, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco ?
J’étais depuis plusieurs années à la recherche d’une implantation plus appropriée au développement de notre activité d’affinage et j’ai entendu parler de cet ensemble de bâtiments XVIIème pour lesquels la CUA cherchait preneur. Après études, les anciennes « poudrières » ou « soutes » des bastions d’Orléans et d’Anjou se sont révélées très propices à l’affinage et, pour le reste de l’activité, le dit « hangar à ballon » au pied des remparts, difficile à réhabiliter par ailleurs, convenait tout à fait à nos besoins.Nous voilà donc dans un site historique, très contents de l’être, mais ce n’était pas prémédité.
Vous proposez une gamme inédite de fromages hollandais, affinés en France. Mais vous devez bien avoir un faible pour un fromage en particulier de la région ?
Que ce soit clair : nos fromages hollandais sont des produits « régionaux » ; les vraies traditions fromagères du Nord se sont élaborées bien avant les frontières actuelles, notamment à l’époque où l’on construisait à Bruges ou à Arras des places « espagnoles ». Par ailleurs, il faut considérer l’affinage des fromages comme partie intégrante de leur processus de fabrication, c’est une vraie transformation ; surtout pour les fromages qui, comme les mimolettes et les goudas, peuvent être affinés plusieurs années. Mes fromages, même de fabrication hollandaise, sont bien plus arrageois que néerlandais, et c’est pour cela qu’ils sont uniques et reconnus comme tels par des confrères renommés de plus en plus nombreux. Cependant, si je dois citer un fromage français du Nord, c’est le Bergues, là encore parce que nous en faisons un affinage très spécifique, très ancré dans la tradition urbaine de ce produit, mais unique actuellement. Ce fromage très particulier a une place à (re)prendre dans le patrimoine gastronomique national.
Avez-vous une anecdote sur le territoire ? Un lieu qui vous a marqué ?
J’y passe rarement mais toujours avec émotion : au pied des tours du Mont Saint Eloi, pour ce qu’elles disent de la puissance créatrice inspiré ici de l’héritage ecclésiastique et monastique de la région et de la folie destructrice des hommes, quand ils deviennent révolutionnaires ou guerriers.
Un ami vient visiter la région. Que lui conseillez-vous de visiter en premier ?
Le premier lieu que je fais découvrir à un visiteur ami, c’est la colline de Vimy : pour la beauté du site « bleu blanc vert », surtout quand il fait beau ; pour la vue dont on y bénéficie et qui permet de saisir à la fois la ruralité et la densité urbaine de ce territoire, son histoire aussi avec les terrils ; et surtout pour le sentiment profond de respect et de reconnaissance qu’il inspire envers tous ceux, souvent étrangers de très loin, qui ont donné leur vie pour notre liberté.
Informations pratiques
Pour découvrir les jours de dégustations mais savoir également où vous pouvez acheter ces fromages, allez faire un tour sur le site de la Finarde.